Music for the Sea : le voyage de ré-océanisation de Coco Francavilla

La musique est l'une de ces activités humaines qui ne nécessitent aucune justification. Elle n'a pas besoin de résoudre un problème, de sauver une vie ou de faire avancer la civilisation de manière mesurable. Et pourtant, au fil de l’histoire, elle n’a cessé de le faire. La musique a porté des révolutions, aidé à faire tomber des régimes oppressifs et donné une voix à des mouvements qui, sans elle, seraient peut-être restés inaudibles. Pourtant, l’inverse est aussi vrai : le pouvoir de la musique a parfois été utilisé pour diviser, tromper et maintenir le statu quo. Mais lorsqu’elle est portée par celles et ceux qui œuvrent pour la justice, elle peut devenir un puissant catalyseur d’unité, d’espoir et d’avancée.
"La musique a toujours été un moteur de changement culturel, explique la compositrice, productrice et ingénieure du son Coco Francavilla. Il suffit de regarder les différentes causes et mouvements qui ont émergé ces dernières décennies : les droits civiques, la famine, les manifestations contre la guerre, le punk, la culture rave... La musique a toujours été au premier plan des luttes pour la justice sociale. Alors pourquoi ne pas l'utiliser aujourd'hui pour lutter contre la crise climatique ?"
À l’occasion de la Journée mondiale des océans 2025, nous avons échangé avec Coco Francavilla sur son travail en constante évolution, où musique, science et narration se conjuguent au service de la conservation marine. Elle nous parle de son dernier projet, MusicForTheSea, une organisation à but non lucratif qui vise à sensibiliser le public aux écosystèmes marins menacés, à travers le son. En complément de cet article, Francavilla partage une sélection de samples issus de la future plateforme SonicOcean, qui réunit musicien·ne·s, artistes et scientifiques pour explorer la "voix" de la mer.
Francavilla a suivi une formation de guitare classique au Conservatoire Santa Cecilia de Rome, obtenu un diplôme en architecture avec une spécialisation en physique acoustique, et contribué à la bande originale de plusieurs films majeures, tels que Blade Runner 2049, Hunger Games et Les Proies. C’est après sa rencontre avec Tricky, pionnier du trip-hop, que sa carrière a commencé à décoller. "J'ai eu la chance d'aller en backstage et de remettre ma démo à son batteur, raconte-t-elle. Le lendemain, Tricky m'a appelée et m'a demandé : 'Qui est-ce qui chante ?' Je lui ai répondu que c'était moi. Deux mois plus tard, j'étais en studio à Los Angeles et en tournée mondiale avec lui."
Malgré ce succès initial, Francavilla comprend vite que la lumière des projecteurs n’est pas faite pour elle. "Je ne voulais pas passer ma vie en tournée", explique-t-elle. Elle se tourne alors vers la production musicale, l’ingénierie du son et la composition pour le cinéma et les médias, découvrant ainsi la puissance de la musique comme outil narratif. "J’ai réalisé que la musique avait un potentiel qui dépassait le simple fait de sortir des albums, lorsqu’elle était associée à d’autres formes de médias", note-t-elle.
Un nouveau tournant s’opère lorsqu’elle déménage à Ibiza. "J’ai toujours été fascinée par l’intersection entre la musique, la science et la nature, explique-t-elle. Quand j'ai découvert les herbiers de Posidonie (Posidonia oceanica), tout a pris un nouveau sens." C’est là que le concept de ReOceaning a commencé à émerger ; une invitation à se reconnecter à l’océan, non comme une entité distante, mais comme une part profonde de nous-mêmes.
Posidonia Oceanica et la naissance de MusicForTheSea
Posidonia oceanica est une plante sous-marine endémique de la mer Méditerranée. "Quand on nage au milieu de la posidonie, on ressent un mouvement lent et régulier, rappelant les sons perçus in utero. C’est très primitif et ancestral", raconte Francavilla.

Plongée dans les herbiers de posidonie. Photo de Lorenzo Melissari
Les herbiers de posidonies situés entre Ibiza et Formentera comptent parmi les plus anciens organismes vivants de la planète. Pourtant, ces herbiers marins sont aujourd’hui menacés par le tourisme, le changement climatique et la pollution. "Ils sont considérés comme les poumons de la Méditerranée, dit Francavilla. Les scientifiques ont découvert qu'ils absorbaient 15 fois plus de CO₂ par mètre carré que la forêt amazonienne. Ils servent de pépinière à la vie marine et offrent un abri à d'innombrables espèces. Il s’agit d’un écosystème vital pour la biodiversité, qui protège notre littoral de l’érosion et qui est aussi à l’origine des eaux cristallines d’Ibiza ; c’est précisément pour cela que tous ces gens viennent ici."
"Je pense que les scientifiques nous aident à comprendre le fonctionnement du monde, mais ce sont les artistes et les musiciens qui en sont les narrateurs. Ils traduisent des concepts en récits capables de toucher les gens sur le plan émotionnel."
Touchée par la beauté de cet écosystème marin, Francavilla a invité d’autres artistes à venir découvrir la posidonie de leurs propres yeux et à créer une compilation destinée à sensibiliser le public aux enjeux de conservation de la région.
"J'ai contacté des amis comme Rafael Anton Irisarri, Grand River et Sofie Birch, explique-t-elle. Ce qui était au départ un simple projet d’album a rapidement pris une toute autre ampleur. Nous avons réalisé que nous avions l’opportunité de devenir des acteurs clés de la conservation marine grâce au pouvoir de la musique, portés par la conviction que l’action locale peut déclencher un changement mondial. C'est ainsi qu'est né MusicForTheSea."
Francavilla décrit MusicForTheSea comme une organisation faisant le pont entre l’expression artistique et la science environnementale. "Il y a un lien très fort, explique-t-elle. Je pense que les scientifiques nous aident à comprendre le fonctionnement du monde, mais ce sont les artistes et les musiciens qui en sont les narrateurs. Ils traduisent des concepts en récits capables de toucher les gens sur le plan émotionnel."

Herbiers marins sains de Posidonia oceanica au large des côtes d’Ibiza. Photo de Lorenzo Melissari
Le projet Posidonia Soundscape
Au cœur des initiatives de MusicForTheSea se trouve le projet Posidonia Soundscape, une initiative transdisciplinaire qui accueille des artistes en résidence à Ibiza pour collaborer avec des chercheurs marins. "Ils participent à des expéditions océaniques et à des sessions de field recording, révèle Francavilla. Mais la clé est la collaboration : les artistes travaillent directement avec les scientifiques. L'objectif est d'utiliser les enregistrements acoustiques sous-marins non seulement comme source d'inspiration musicale et de reconnexion à l'océan, mais aussi comme outil de recherche scientifique, afin d'évaluer l'impact du tourisme excessif et du changement climatique sur les écosystèmes marins."

Installation d’un hydrophone à bord du bateau de surveillance des posidonies du gouvernement des Baléares, dans le parc marin protégé de Formentera — en collaboration avec MusicForTheSea, Ocean World of Sound et l’Université de Cadix. Photo de Coco Francavilla
Francavilla a déjà accueilli plusieurs artistes en résidence dans le cadre de MusicForTheSea, chacun apportant une perspective unique au projet. "Nous avons eu l'honneur d'accueillir Suzanne Ciani l'automne dernier, se souvient-elle. Elle a été fascinée par la façon dont l'audio spatial pouvait amplifier la résonance naturelle de la mer. Rafael Anton Irisarri a trouvé son inspiration dans les airs, en écoutant les vagues d'en haut, tandis que Grand River a été captivée par l’expérience tactile du contact avec le sel et les herbiers de posidonie. Chaque artiste se connecte à la nature à sa manière, et c’est précisément ce qui rend ce projet si spécial."

Suzanne Ciani utilise un hydrophone pour capturer des enregistrements sous-marins. Photo de Lorenzo Melissari
Avec les prochaines résidences de KMRU, Caterina Barbieri et Lyra Pramuk, le projet continue à se développer. "Lyra Pramuk s'intéresse particulièrement à la sonification, c'est-à-dire à la traduction de données environnementales en musique, explique Mme Francavilla. Il n'y a pas de voie unique ici. Chaque artiste tisse son propre lien avec l’environnement marin. Mon ambition est de rassembler une communauté d’artistes qui deviendraient des "ambassadeurs bleus" pour la vie. Le projet Posidonia Soundscapes constitue une étape majeure dans la réalisation de cette vision. Il aboutira à la sortie d'un album en 2026, avec des artistes comme Lyra Pramuk, Telefon Tel Aviv et Loscil."

"Rafael Anton Irisarri a trouvé son inspiration dans les airs, en écoutant les vagues d'en haut." Photo de Lorenzo Melissari

La compositrice et designer sonore Grand River capture les ondes océaniques. Photo de Lorenzo Melissari
Renforcer la cause grâce à des partenariats scientifiques et culturels
Aujourd’hui, MusicForTheSea collabore avec plusieurs institutions scientifiques telles que l’Institut de recherche marine de l’Université de Cadix. Mais ces liens n’ont pas toujours existé ; ils ont dû être créés. "Au départ, je n’avais aucun lien avec la communauté scientifique, confie Francavilla. Grâce à ces partenariats, les artistes participent désormais activement à des études scientifiques sur le terrain. Nous avons aujourd’hui accès au Galaxie, le plus grand voilier à zéro émission de la Méditerranée, dirigé par des scientifiques recueillant des données pour l’action climatique. Cela nous permet d'effectuer des field recordings sous-marins, d'utiliser des hydrophones et d’étudier la pollution sonore d’origine humaine. Nous préparons également une expédition avec l'équipe de la Décennie de l'océan pour former les artistes aux méthodes scientifiques d'enregistrement des sons sous-marins."

Le Galaxie, voilier zéro émission. Photo de Love The Mediterranean
Pour toucher un public plus large, MusicForTheSea mise aussi sur l’art visuel, les projets immersifs et des partenariats culturels comme celui avec MUTEK. L’organisation se prépare à participer à la Conférence de la Décennie des Nations Unies pour l’Océan 2025, où elle présentera TIDAL SHIFTS : une exposition audiovisuelle et un symposium faisant le lien entre science marine, art sonore et visuel, et engagement communautaire.
Un paysage politique en mutation
Alors que les priorités politiques récentes évoluent et que l'action climatique est reléguée au second plan dans plusieurs régions clés, le travail d'organisations telles que MusicForTheSea n'a jamais été aussi essentiel. "J'ai compris à quel point la crise climatique est liée à la justice sociale, déclare Francavilla. Notamment parce que ce sont les communautés les plus marginalisées qui en subissent le plus les conséquences. Si nous parvenons à nous unir et impulser un changement de comportement, cela pourrait devenir un véritable signal de changement. Je raconte toujours à ma fille que quand j'étais petite, les profs fumaient en classe. Elle en est choquée. Puis, il y a eu un changement de comportement. Ce qui paraissait normal autrefois est aujourd’hui impensable. Un tel changement est également envisageable en matière de durabilité, mais celui-ci doit d’abord commencer à l’échelle individuelle avant de devenir une action collective. Le véritable changement naît des communautés. Grâce aux outils dont nous disposons aujourd'hui, les initiatives citoyennes peuvent devenir une force de transformation à l’échelle mondiale."
"Le tourisme génère des revenus, mais à quel prix ?"
L'histoire nous montre toutefois que pour imposer un véritable changement sociétal, les gouvernements doivent également intervenir et légiférer. Si l'on reprend l'analogie de Francavilla avec l'interdiction de fumer, le changement ne s'est pas fait du jour au lendemain. "Tout a commencé par la sensibilisation, puis sont venues les données, et enfin la législation, dit-elle. Il doit en être de même pour l'action climatique. Mais comment faire pour que les législateurs agissent ?"
Selon elle, la réponse réside dans l’interaction entre les données, la narration et l’influence culturelle. La recherche scientifique fournit des faits concrets, mais les chiffres bruts ne suffisent pas à mobiliser les masses. "Nous avons besoin d’ambassadeurs culturels pour porter ce message, affirme Francavilla. Un DJ célèbre qui poste un selfie à bord d’un jet privé ne provoquera aucun déclic. Mais s’il publie une photo depuis un voilier zéro émission en parlant de la préservation des océans, cela peut faire réfléchir."

Expédition Posidonia : à bord d'un catamaran 100 % électrique et solaire. Photo de Lorenzo Melissari
Francavilla pointe un autre problème préoccupant à Ibiza : la pollution chimique des crèmes solaires, qui menace sérieusement les écosystèmes marins. "Les autorités locales rejettent le problème en disant : 'Prouvez-le', dit Francavilla. C’est pourquoi les militants ont commencé à mesurer la qualité de l’eau pour démontrer l’impact direct du tourisme sur les écosystèmes. Les gouvernements ont besoin de données pour reconnaître la réalité. Nous avons besoin de scientifiques, d'artistes, de narrateurs et d'activistes qui travaillent ensemble. Ce sont les citoyens qui, en se mobilisant, peuvent faire bouger les institutions."

Le tourisme à Ibiza laisse des cicatrices invisibles : les herbiers de posidonies endommagés témoignent d’un écosystème marin en crise. Photo de Sabrina Inderbitzi
Changer le discours autour de la culture jet-set
Malgré une sensibilisation croissante aux enjeux de durabilité, le style de vie "jet-set" souvent associé à la culture musicale reste largement prisé et fantasmé. Beaucoup d’artistes continuent de gagner en visibilité sociale en publiant des selfies à bord de jets privés ou entourés de symboles de luxe, preuve que ce mode de vie consumériste reste, pour beaucoup, un idéal.
Francavilla établit à nouveau un parallèle avec le tabagisme : "Il fut un temps où fumer dans un restaurant ne choquait personne. Aujourd'hui, c'est impensable. Il faut un changement de mentalité similaire dans la musique, où un artiste aurait honte de poster une photo depuis un jet privé."
Elle souligne qu’il existe déjà une prise de conscience plus importante dans les scènes ambient et expérimentales. Mais dans la musique électronique commerciale, où les DJs superstars sont traités comme des divinités, le changement est plus difficile, explique-t-elle. "Beaucoup de ces artistes vivent totalement déconnectés de la nature. Ils voyagent en jet privé, logent dans des hôtels de luxe et se rendent aux événements en voiture avec chauffeur. Il est difficile de susciter un changement lorsque l’on est si déconnecté des réalités que l’on contribue à détériorer."
Francavilla espère qu'en encourageant les artistes et les professionnels de l'industrie musicale à se reconnecter à la nature, il sera possible de susciter des changements personnels plus profonds. "Quand on entre en contact direct avec la nature, on commence naturellement à s’en soucier. Une prise de conscience s'ensuit", dit-elle.

Platges de Comte, Ibiza. Photo de Ricky Rueda.
MusicForTheSea : quand l’art devient action à Ibiza
Ibiza est souvent considérée comme une destination festive, mais les visiteurs doivent comprendre qu'elle abrite également l'un des écosystèmes marins les plus vitaux au monde. "L'impact local dévaste l'herbier de posidonie, insiste Francavilla. La Méditerranée se réchauffe 20 % plus vite que la moyenne mondiale, et nous avons déjà perdu 34 % de ses herbiers marins. Il ne nous reste plus beaucoup de marge. Nous devons agir maintenant."
Et pourtant, malgré l'urgence, la conservation des océans reste sous-financée. "Seulement 1 % des dons philanthropiques est consacré à l'océan, précise Francavilla. Cela veut tout dire. La prise de conscience du rôle crucial de l’océan dans l’atténuation du changement climatique est quasiment inexistante."

De vastes zones d’herbiers de posidonies sont en train de mourir : le changement climatique et la pollution en sont les deux principales causes. Photo de Sabrina Inderbitzi
En nouant des relations avec des décideurs politiques et des ONG, MusicForTheSea espère changer la donne, tout en ancrant la sensibilisation à l’océan dans le tissu culturel d’Ibiza. Ils se sont associés à des festivals locaux, à des conférences sur la conservation marine comme Foro Marino, et à des organisations telles qu'Ibiza Preservation ou True World. On observe également un intérêt croissant parmi des communautés culturelles et de bien-être, et de certains acteurs de l'industrie comme DJ Mag ou l'International Music Summit (IMS).
Mais il y a un obstacle majeur : l'industrie des clubs d'Ibiza. "C'est un monopole, explique Francavilla. Ce sont ces acteurs qui ont le pouvoir de provoquer un vrai changement, mais beaucoup rechignent à agir. Je ne cherche pas simplement un soutien financier : je veux qu’ils prennent des mesures concrètes pour protéger l’écosystème de l’île."
Parmi les solutions envisagées, Francavilla propose l’initiative Blue Ticket, qui consisterait à reverser un pourcentage des recettes des billets de clubs à la conservation marine locale. Mais modifier les priorités dans un secteur axé sur le profit est loin d'être simple. "Quand on atterrit à l'aéroport d'Ibiza, on est assailli de pubs géantes pour des clubs, explique Francavilla. Aucun panneau n’est dédié à la sensibilisation à l’environnement de l’île. Tout est une question d'argent. Le tourisme génère des revenus, mais à quel prix ?"

Le coût de l’activité humaine est sans appel : un filet de pêche abandonné enchevêtre le fragile herbier de posidonies d’Ibiza. Photo de Sabrina Inderbitzi
Au-delà de la publicité, les déchets plastiques, la consommation d'énergie et les tournées peu respectueuses de l'environnement continuent d’échapper à toute régulation. Francavilla y voit l’opportunité de collaborer avec Earth Percent, une organisation fondée par Brian Eno pour inciter l’industrie musicale à s’engager dans l'action climatique. "Si nous parvenons à renforcer notre partenariat avec eux, il sera plus difficile pour les clubs de nous ignorer. Une fois que nous aurons convaincu un club important d'adopter des pratiques durables, les autres suivront peut-être."
Comment votre musique peut contribuer à la conservation des océans
Francavilla voit un lien étroit entre la technologie musicale et la science du climat, tout en insistant sur le fait que cette démarche n’est pas réservée à un genre musical particulier. Elle remarque toutefois que la musique ambiante et expérimentale, par son usage de textures et d’espaces sonores, se prête bien à traduire l'immensité et la fragilité de l'océan. Les artistes de ces styles de musique intègrent souvent des field recordings et des sons naturels, pour créer de véritables méditations sonores qui plongent les auditeurs dans des récits écologiques. "Les structures répétitives et cycliques de la techno reflètent également les rythmes de la nature, suggère Francavilla. En utilisant la synthèse modulaire, le design sonore ou des outils comme Max for Live, notamment en mettant l'accent sur les modèles génératifs ou la sonification, on peut transformer directement des éléments naturels de notre environnement."

Dans le studio Wider Sounds de Francavilla, Grand River explore de nouvelles pistes créatives à partir de field recordings océaniques. Photo de Coco Francavilla
Francavilla encourage vivement les créateur·rice·s de musique à commencer par de petits gestes réfléchis. "On peut aborder la durabilité sans se sentir dépassé, explique-t-elle. Certaines personnes pensent qu’elles doivent complètement réorienter leur carrière pour contribuer à l'action climatique. Ce n'est pas le cas. Cela commence par nos habitudes de tous les jours."
L’un des moyens d’agir consiste à participer à des projets qui lient création artistique et conservation. La plateforme SoncOcean de MusicForTheSea, par exemple, peut servir de bibliothèque où les musicien·ne·s pourront télécharger des enregistrements sonores sous-marins soigneusement sélectionnés. Il s'agit notamment de sons provenant d'herbiers de posidonies, de cétacés et d'eaux arctiques, qui sont autant de sources d'inspiration pour de nouvelles œuvres musicales et de passerelles vers une connaissance plus approfondie des écosystèmes marins.

Photo de Lorenzo Melissari
Par ailleurs, Francavilla encourage les artistes à explorer une série de gestes quotidiens qui peuvent avoir un impact significatif :
- Adopter des pratiques de tournées durables : éviter les vols inutiles, privilégier des productions d’événements plus vertes, et rédiger une fiche technique écoresponsable (ex. : l’absence de plastique à usage unique sur scène)
- Intégrer des thématiques environnementales à sa musique : en utilisant la bioacoustique, les field recordings ou la narration pour mettre en évidence le rôle de la nature.
- Soutenir des initiatives comme Earth Percent : en créditant la nature comme "co-autrice" de morceaux pour reverser une part des droits à des projets environnementaux.
- Utiliser sa plateforme : que l'on ait 100 abonnés ou un million, parler de l'action climatique contribue à en faire une norme. "La culture musicale est un mouvement mondial, affirme Francavilla. Elle a toujours été à l'origine de changements populaires, depuis l'époque des droits civiques jusqu'aux manifestations contre la guerre. Il est temps de mobiliser à nouveau cette énergie."

“The Eye”, de Aquascopio.
L'océan est la force vitale de la Terre et le régulateur du climat
Pour Francavilla, la mission est claire. "L'humanité est inextricablement liée à l'océan. Il est notre source de vie. Il recouvre 71% de notre planète et fournit 50% de l'oxygène que nous respirons. Ainsi, même si l'on vit dans une ville comme Berlin, chaque respiration provient de l'océan. La température terrestre est notre meilleur allié pour atténuer le changement climatique, et pourtant, moins de 3% seulement de nos océans sont réellement protégés. La crise climatique à laquelle nous sommes confrontés est directement liée à la santé des océans. Si l'océan souffre, nous souffrons aussi. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre que les institutions agissent. Le pouvoir du changement est entre nos mains. Si nous agissons ensemble, la musique peut devenir un levier puissant, pour éveiller les consciences et déclencher un changement réel."
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Interview et retranscription : Joseph Joyce